Critique du film
The Price of Kings: Yasser Arafat (2012)

le 18/06/2012 par victor

–He put the Palestinian cause on the political map and unified all the scattered people, Palestinian people all around the world. […]

–Do you think the sacrifice was worth it ?

–Of course the sacrifice was worth it, because he gave us a place where we can bury our dead.

~Souha Arafat

The Price of Kings: Yasser Arafat est le premier épisode d’une série de 12 longs-métrages documentaires ayant pour point commun de dresser le portrait de grands dirigeants politiques de ce monde : présidents, premiers ministres, hommes de pouvoir et hommes puissants, personnalités influentes et controversées. The Price of Kings se concentre sur les sacrifices à consentir et le prix à payer pour passer sa vie au pouvoir, alliant interviews exclusives et images d’archives, variant les points de vue en interrogeant amis et famille, alliés et ennemis politiques de la personnalité présentée.

Les trois premiers épisodes de The Price of Kings ont pour sujet 1. Yasser Arafat (président de l’Autorité palestinienne, Nobel de la Paix 94), 2. Shimon Perez (président de l’État d’Israël en exercice, Nobel de la Paix 94), 3. Oscar Arias (président du Costa-Rica 86-90, 06-10, Nobel de la Paix 87).

Le premier épisode s’intéresse donc à Yasser Arafat, premier président de l’Autorité palestinienne. L’entreprise est scabreuse, mais le réalisateur Richard Symons réussit parfaitement son coup. Refusant de produire un énième condensé du conflit israélo-palestinien et évitant de basculer dans une apologie d’Arafat, risque à prendre lorsqu’on se base sur des interviews des proches de son sujet, Symons oriente son film sur la personnalité privée et politique d’Arafat.

Extrêmement bien documenté et aidé par un montage efficace et intelligent rendant tout à fait comestible une histoire compliquée, on fait d’abord connaissance avec le jeune Arafat élève ingénieur au Caire durant la guerre israélo-arabe de 1948, illustrée notamment par l’interview d’un soldat israélien ayant participé à cette guerre. En 59 Arafat fonde le Fatah, rejoint et dirige l’OLP dès 69.

Sa femme, Souha Arafat, donnant sa première interview depuis le décès d’Arafat en 2004, dont le témoignage franc et poignant ponctue le documentaire, dit qu’il est marié à la cause. Autres intervenants notables : le chef négociateur des accords d’Oslo; Guido de Marco, président maltais et ami d’Arafat; Shimon Perez, résumant le rôle essentiel d’Arafat dans le processus de paix par les mots suivants :

Without him, we couldn’t start. With him, we couldn’t conclude.

Le documentaire décrit de façon complète le parcours de vie d’Arafat et son destin, intimement lié à celui de son peuple. Les principaux protagonistes du processus de paix – ou devrais-je dire du conflit israélo-palestinien – interviennent dans le documentaire, interrogés ou par le biais d’archives. Reconnaissance par l’ONU, et le célèbre discours d’Arafat à la tribune. Premiers contacts entre l’OLP et le gouvernement israélien (dialogue considéré par les deux parties comme relevant de haute trahison).

Premier leader palestinien à reconnaître l’état d’Israël, position difficile à accepter pour les Palestiniens mais condition préalable à la négociation des accords d’Oslo, Arafat attendra la réciproque jusqu’à sa mort. Seconde concession majeure, en signant les accords d’Oslo il accepte les frontières de 1967, soit réduire le territoire palestinien à 23% des terres palestiniennes prévues par le plan de partage de l’ONU de 1947. Négociant les accords d’Oslo, Arafat gagne le respect d’Yitzhak Rabin. À l’interview, Shimon Perez reconnait l’audace des concessions d’Arafat, qui malgré ces dernières continue d’unir son peuple, garde sa position de leader aimé et respecté par son peuple. 1995, l’assassinat d’Yitzhak Rabin fait retomber les espoirs de paix d’Arafat.

S’ensuivent quelques tentatives de renouer avec le dialogue, tentatives qui tournent court avec le début de la seconde Intifada et le siège israélien du QG d’Arafat, siège qui durera quatre ans et se soldera par la mort en 2004 du seul dirigeant à avoir tenu soudés les Palestiniens, qui aujourd’hui s’opposent entre la bande de Gaza (et le Fatah), et la Cisjordanie (et son Hamas), la mort d’un homme qui aura donné sa vie pour la cause palestinienne.

Souhaitant conjuguer biographie et réflexion sur le leadership, la série The Price of Kings atteint brillamment son double but avec ce premier opus. Sujet complexe et passionnant, le traitement réservé à Yasser Arafat est une réussite, tant au niveau historique que cinématographique.

Pas encore distribué en France et en Suisse donc difficile d’accès, vous pouvez néanmoins vous procurer cette série en DVD, la regarder en streaming ci-dessous ou même la télécharger par Distrify :

The Price of Kings: Yasser Arafat (2012) : Fiche technique

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2 commentaires

  1. victor dit :

    Au passage, je suis ravi de vous apprendre qu’il s’agit du premier article en français au sujet de cette série et de ce film. Appelons ça une exclusivité.

  2. tcpc dit :

    La critique se lit aisément, l’écriture est plaisante. Cette idée de portraits d’hommes importants est intéressante et au vu de ta critique, elle semble être bien commencée. Je patienterai néanmoins jusqu’à sa sortie en France pour voir ce premier opus (afin de bien entendre et comprendre tout ce qui se dit).

    Merci pour cet article !