Critique de l'album
- The Multiple Hallucinations of an Assassin (1989)

le 15/10/2011 par benoît

Les Sun City Girls m’ont toujours inspiré la vision d’une cité lointaine incrustée dans les tréfonds d’un désert de l’ouest où la lumière irradierait constamment une armée de danseurs frénétiques lilliputiens. Bien que toujours incandescent, The Multiple Hallucinations of an Assassin, émis à l’aube des 90, colporte davantage une imagerie liée à la piraterie, un paysage de désolation mystique où l’on vit selon sa propre loi. Je parle aujourd’hui d’une musique riche d’expression, propice à l’imagination. Des noms de morceau comme « Esoterica of Abyssinia » ou « Space Prophet Dogon » donnent le ton. Le travail du groupe donc, avec son côté libre, allumé, ésotérique et inspiré par l’Inde, est l’un des moins mal-nommé.

Qu’en est-il plus directement de la face musicale ? Groupe experimental en provenance de Phoenix avec des penchants pour le rock, la musique du monde et l’improvisation, les Sun City Girls, auquel on peut ramener la production solo des frères Bishop et la philosophie de Sublime Frequencies, label mega-hype-world-music mené par Alan, constituent un univers en soi. Multiple Hallucinations, tout comme Torch of the Mystics et Kaliflower, est l’un des albums guitaristique du groupe. Parce qu’il laisse de côté les aspects satyriques du groupe, parce qu’il ne contient pas les vocales hystériques des frangins Bishop et parce qu’il ne s’agit pas de l’epileptique mastodonte 330,0003 Crossdressers from Beyond the Rig Veda, pour tout cela, Multiple Hallucinations est un album accessible et fortement recommandé à toute personne qui apprécie les jams solaires.

La plage d’ouverture est une longue introduction battue par les vents, ravagée, Amazon One est une perle qui semble condenser en deux minutes toute l’histoire et toute l’essence de la guitare, Esoterica répète son thème avec davantage de joyeux scrapings dans un style très immédiat, spontané, joué comme s’il n’yavait pas de lendemain, le balladesque Space Prophet Dogon fait la même chose en prenant davantage son temps, et ensuite il y a la face B, qui étale sur 20 minutes un jam que n’aurait pas renié Can, vu les percussions krautrock et les guitares tranchantes. Le son est toujours hypnotique et jouissif, maîtres mots ici, parfois et tout à la fois menaçant, malin, séducteur, presque rêveur, comme un serpent qui s’élève d’un panier, parfois tranquille, insouciant, parfait, transfigurant, parfois balloté, dégingandé, décadent, joyeux voire extatique, un peu mélancolique, doux, fuzzy, pénétré, et aussi direct, rock, franc… la liste d’adjectifs s’allonge sans cesser de capturer l’identité géniale de ce groupe qui mieux qu’incontournable, est un passage obligé pour tout fan de musique positivement alternative.

Puisque je n’ai pas le courage d’héberger Amazon One, je vais profiter de cette fin d’article pour ouvrir les vannes et poster trois choses: la version de Space Prophet Dogon telle qu’elle est présentée sur Torch of the Mystics (rallongée de deux minutes), cette reprise imparable de Morricone qui, avec les voix, donne à voir une autre face des SCG, ainsi qu’un petit morceau de Sir Richard Bishop (virtuose dans le meilleur sens du terme).

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