Critique du film
The Last Christeros (2011)

le 27/03/2012 par victor

Le 12 juillet 1926, les autorités mexicaines placardent un édit sans pitié: l’application désormais ferme de la loi anticléricale de 1917 inscrite dans la Constitution. Les lieux de culte sont fermés, les religieux passibles de prison voire de peine de mort, la pratique même est éradiquée. Une poignée d’hommes résistent pourtant à travers les vallées, tout en sachant que leur fuite n’est qu’un chemin de croix.

(Source : fiff.ch)

The Last Christeros (Los últimos cristeros), film mexicain du réalisateur franco-mexicain Matías Meyer, suit quelques jours de la vie d’une poignée de Cristeros, ces paysans insurgés qui prirent les armes pour défendre leur religion et leur droit de la pratiquer durant la guerre civile (peu connue en Europe) qui suivit la promulgation de la loi sus-citée. Bien que la guerre dura officiellement de 1926 à 1929, année où gouvernement et clergé trouvèrent un accord, celui de cesser d’appliquer cette loi anticléricale tout en la laissant inscrite dans la constitution mexicaine, le film se situe à la fin des années 30. Alors que la plupart des insurgés sont morts ou ont abandonné le combat à la fin de la guerre, certains continuent à se battre quand bien même une amnistie leur est offerte, bien esseulés et sans ressources depuis que le clergé ne les soutient plus suite à l’accord avec le gouvernement.

Sélectionné aux festivals de Rotterdam, Miami, Toronto, Montréal, Buenos Aires, (…) awardé « Best cinematography » dimanche dernier au Cape Winelands Film Festival (CWFF) à Cape Town (Afrique du Sud), primé « Best Mexican Movie » au festival RMFF à Cancún, et bien évidemment en compétition internationale au FIFF (Festival International de Films de Fribourg).

Le film débute par une très courte interview audio d’un Cristeros, enregistré en 1969, racontant ses souvenirs de 1917, l’instant où il découvre le décret placardé à la porte de son église. Puis le film démarre, suivant invariablement, de près ou à distance, les déplacements du colonel Cristeros Florencio Estrada et de sa petite troupe.

Des longs plans fixes ou lents panoramiques de paysages montagneux ou de la sierra broussailleuse, suivant ou traversés par notre troupe de fuyard. À deux ou trois reprises, on aperçoit quelques militaires remontant lentement la trace. Les Cristeros marchent, parcourent tout l’écran pour avancer de quelques centaines de mètres dans leurs montagnes. Certaines nuits, ils chantent. Parfois, ils tombent sur des militaires et doivent courir pour échapper aux balles. Certains meurent, d’autres sont soignés, ils prient, tuent un homme dans une cabane, se confessent.

Ce n’est pas un film d’action; il n’y a quasiment pas d’action. Le film montre le quotidien pénible de ces derniers Cristeros : errer dans les montagnes, fuir sans se battre car sans munition, faire subsister cette révolte morte en 1929. Presque pas de dialogue non plus, et la religion est très peu présente à l’écran. Les alternances entre plans d’ensemble et plans rapprochés aspirent le spectateur dans les paysages, le scénario épuré à l’extrême rend la spiritualité palpable. Une savante dose de caméra subjective; le regard dur, les visages taillés au couteau des acteurs, et simplement ce jeu d’attente dans la crainte et le doute, et de marche sans but permettent d’entrer dans le film et d’expérimenter le soleil et la peine.

Les acteurs sont magnifiques. Tous amateurs, Matías Meyer les a dégotés dans des campagnes mexicaines parfois illettrées. Leur investissement semble total, tenant en partie au fait qu’ils incarnent les rôles de leurs parents ou grand-parents qui se sont battus pour qu’ils puissent être ce qu’ils sont, de fervents chrétiens.

En résumé, un film lent, très lent, pas des plus accessibles mais laissez-vous emporter. La photographie est à l’image des paysages dépeints : magnifique. Classer un film dans un genre cinématographique, quand c’est pas évident, c’est pas évident. Du coup c’est un western pour l’époque, l’esthétique, l’éclairage; un road movie naturalisto-spirituel¹ pour les constants déplacements et la nature.

À voir au FIFF aujourd’hui à 19¹⁵ à Cap’ciné 6, ou le vendredi 30 à 17h15 au Rex 1. [lien]

 


¹ Catégorie dans laquelle on pourrait également classer, sans vouloir comparer ces 5 films, Essential Killing (nature, fuite) et Gerry (nature, action), éventuellement Valhalla Rising (dialogues), Stalker (nature, spiritualité/mystique).

The Last Christeros (2011) : Fiche technique

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