le 22/08/2012 par thibaud
On ne présente plus Nicolas Winding Refn. Réalisateur de génie ayant reçu le prix de la mise en scène pour Drive au festival de Cannes 2011, NWR est également l’auteur de Bronson, sorti en 2008, récit narrant les péripéties du plus célèbre des prisonniers britanniques, Michael Gordon Peterson rebaptisé « Charles Bronson », qui est interprété par Tom Hardy, le futur Bane du très surestimé The Dark Knight Rises. NWR réalisera par la suite Valhalla Rising, sorti en 2009, dans lequel Mads Mikkelsen campe un guerrier silencieux en pleine quête métaphysique.
La carrière de NWR a cependant été lancée grâce à sa trilogie Pusher, vue par plus de trois millions de personnes dans le monde. Lorsque Pusher sort en 1996, les médias danois voient en NWR un Scorsese national. Le film est sélectionné à Cannes la même année et connaît un succès tant critique qu’économique. L’histoire, filmée caméra au poing, suit les pérégrinations de Franck (Kim Bodnia), dealer de dope moyen accompagné de Tonny (Mads Mikkelsen) qui, suite à l’échec d’une grosse transaction de « brown » se voit endetté jusqu’au cou auprès de Milo le Serbe (Zlatko Buric), un parrain de la drogue aux méthodes radicales. Si le film est une vraie réussite, c’est sans aucun doute grâce à la virtuosité des acteurs campant des malfrats plus vrais que nature, ainsi qu’au rythme effréné des événements ponctuant la descente aux enfers de Franck dans les bas-fonds de Copenhague. Un film noir, à l’esthétique crasse et aux virtualités sociologiques tout simplement captivantes.
Suite au succès de Pusher, NWR réalisera Bleeder en 1999, et surtout Inside Job (Fear X) en 2003 qui sera un succès critique mais un fiasco commercial. Suite à cette mésaventure, la boîte de NWR fait faillite, le réalisateur est personnellement endetté de cinq millions et demi de couronnes. C’est alors que lui vient l’idée de réaliser deux suites à Pusher, la première lui permettrait de rembourser la dette d’Inside Job, la seconde, de faire un peu de bénéfice. NWR a l’impression de tout recommencer à zéro en revenant à Pusher. Ces moments pour le moins stressants de la vie du réalisateur ont été saisis sur le vif par Phie Ambo dans son documentaire Gambler qui nous montre un NWR enchaînant les aspirines, se creusant la tête sur le script de Pusher 2, et nous faisant découvrir, en passant, son goût prononcé pour les plus belles affiches du cinéma d’horreur : son appart en étant recouvert, de Zombie à Cannibal Holocaust, en passant par Massacre à la tronçonneuse… (ce dernier ayant été la révélation cinématographique de NWR, des propos recueillis dans le Hors-série Mad Movies célébrant les quarante ans du magazine spécialisé).
Un détour douloureux qui sera salutaire à l’amateur de genre, puisque Pusher 2 parvient même à surpasser le premier volet ! Ayant pour sujet principal la sortie de prison de Tonny, et ses tentatives de retrouver l’estime de son père, le Duc, baron du crime, cette suite se concentre sur la psychologie de son protagoniste principal. Considéré comme un bon à rien dans le domaine des affaires, rejeté par le milieu et incapable de s’occuper du nouveau-né dont il est censé être le géniteur (la mère s’étant « tapé la moitié de la ville »), Tonny trouvera paradoxalement son salut dans un meurtre libérateur qui lui permettra de prendre son destin en main. Le film vaut encore une fois par la qualité de son interprétation (excellent Mads Mikkelsen!), l’efficacité de sa mise en scène, et la dimension dramatique du récit qui ne vire jamais dans le pathos.
Le troisième Pusher quant à lui se concentre sur la vie de Milo. Le film se déroule probablement quelques années après les événements du premier volet. Milo a pris un coup de vieux et voit son marché d’héroïne gangrené par une nouvelle génération de mafieux. Alors qu’il organise la fête célébrant les vingt-cinq ans de sa fille Milena, il reçoit une livraison d’ecstasy à la place de son héroïne. Il en confie la revente à un jeune dealer qui disparaît avec la marchandise. Le film suit alors les allers et venus de Milo entre la préparation de la fête et les règlements de compte. Le spectateur assiste aux déambulations d’un vieux dinosaure de la drogue sur le déclin (se faisant même arnaquer par sa fille sur son propre marché) qui, après s’être fait humilié durant une heure trente, va finir par remettre les pendules à l’heure dans un climax sanguinolent qui tranche d’avec la sobriété des autres scènes violentes dans la série. Un des grands moments de cette trilogie restera la conclusion de ce dernier opus, lorsqu’au petit matin, nous retrouvons Milo au domicile de sa fille, son regard lourd contemplant les fantômes d’une terrasse et d’une piscine toutes deux à l’abandon, écho saisissant de la vacuité de son existence de criminel. Pour Milo, la fin est proche, et comme le soulignait l’affiche de No Country For Old Men, « you can’t stop what’s coming ».
Au final, la trilogie Pusher fait partie de ces grands moments de cinéma mafieux, à mettre au côté d‘Arnaques, Crimes et Botanique de Guy Ritchie ou encore d’Election de Johnnie To. Même si son prochain long semble plus proche de Valhalla Rising que du film noir, on ne peut attendre qu’avec impatience la prochaine réalisation d’un cinéaste aussi talentueux. Vivement Only God Forgives !
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Durée : 01:30:00
Étiquettes : 1990-1999, 2000-2009, Cinéma danois, Drogue, Film noir, Mad Mikkelsen, Nicolas Winding Refn
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Yeah! N’ai vu que le 2, mais ça m’avait fortement marqué! Brutal, froid (la première scène!), réaliste, un vrai régal, pour qu’on aime les goûts bien âpres.
J’avais vu le premier mais je me suis refait la série récemment…
Et c’est bluffant! J’adore le point de vue caméra au poing qui permet de contredire si fortement les romances de mafiosi hollywoodiens… en exposant aussi le ridicule d’un ponte ou la ringardise des petites frapes. Et ouais, Madds Mikkelsen est excellent en Tonny!