Critique de l'album
- How to Destroy Angels (2010)

le 20/04/2012 par lorrain

Ça a l’air d’un premier EP, c’est sorti en 2010 et ça sonne terrible, comme du trip-hop qui, décidé à sortir du monde coussiné des Massive Attack et autres Tricky, se serait lancé à la conquête d’environnements plus dark où régnaient jusqu’alors les pontes de l’indus et des ténèbres électroniques. En fait, c’est exactement le contraire, ou presque. C’est un début, certes, mais c’est signé par le vieux Reznor de NIN  qui s’est recyclé dans un plan familial où, avec Mariqueen Maandig, sa femme qu’a pas l’air suédois, et son vieux pote retrouvé au grenier Atticus Ross, ils donnent une nouvelle jeunesse aux sons industriels des vieux clous rouillés vachement longs et, au lieu de s’en prendre implicitement au petit Jésus devenu assez grand pour tenir sur la croix, ils attaquent tout ce qu’il y a de plus explicitement les volatiles asexués de Dieu—les pauvres!

Voici donc un album où Miss Maandig, en Proserpine joliment émo-gothique (voir ci-dessous), nous ramène de sous la terre, comme dans un printemps précoce, des fleurs noires des rives de l’Achéron. Si on y entend encore les échos d’une voix pure, c’est pourtant à la sortie de corolles en cordes métalliques acérées et distordues montées sur de fameuses tiges en clous de neuf pouces; le tout a parfois un goût provoc et dansant qui rappelle certaines pêches canadiennes (qui brillent dans la nuit, voir ci-contre).

Ladite Peaches, Photo CC BY-SA, HOLGERTALINSKI@YAHOO.DE

Mariqueen Maandig

La formule, s’il en est, assemble des éléments kitsch qu’on trouve souvent dans la voix ou dans certains synthétiseurs, et de l’autre côté une section rythmique qui tabasse—c’est vite dit, mais ça peut donner une idée. En moins bref, batterie électronique dont la caisse claire claque, kicks sourds et englobants comme une vieille odeur de pieds (voir plus loin « BBB »), basses variées entre l’orgue synthétique de « The Space in Between » et la basse électrique funky de « Fur-Lined » en passant par la saturation maximale de « Parasite »: ces riffs de fond sont agrémentés tantôt de guitares et de claviers lancinants à la Dälek comme sur « Parasite » et « BBB » (Big Black Boots, y a pas plus indus comme titre qui pue des pieds: on croirait presque entendre Leibach derrière les vocaux félidés), tantôt de marimbas et de samples qu’on pourrait avoir déjà entendu chez Clark ou autre électronicien musical (« The Believers »), et toujours avec une voix féminine qui contraste par son calme soufflé sur des instrus dures ou alors surenchérit de pêche revendicative (comme la susmentionnée Canadienne qui a viré berliner) sur un morceau à tendance indie comme « Fur-Lined », mais avec un écho qui nuance d’un air de second degré.

How to Destroy Angels, c’est un joli petit album qui se finit en se bouffant la queue, ou disons plutôt que le dernier morceau ressemble au premier—en plus de la similitude sonore, les deux titres ont eu droit à des sorties privilégiées (le dernier en single, l’autre en exclu vidéo sur Pitchfork), mais ils sont définitivement d’un autre ton que le reste de l’épé—ce qui donne à mon avis un cadre trompe-l’œil, teinté trip-hop, faussement tranquille parce que déjà décalé (l’harmonie diminuée de l’incipit se retrouve dans le titre morbide de la coda, « A Drowning »), mais, d’autant plus qu’il est mis en exergue par ces extrémités à moitié polies de calmitude, le centre de l’opus prend la valeur d’une expérimentation émoussée, d’un voyage parti des rives du trip-hop pour explorer les frontières les plus sombres du genre et en ramener des orages électroniques. Bon, ça fait un peu lyrique, du coup merde.

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5 commentaires

  1. olivier olivier dit :

    Vais aller checker ça!

    • lorrain dit :

      Curieux de savoir ce que t’en penseras…

      • victor dit :

        Quant à moi j’ai chéqué et j’approuve, monsieur.

      • olivier olivier dit :

        « BBB », ça claque, « Parasite » c’est comme tu dis, dälekien (et j’aime), et « The Believers » me plaît énormément (peut-être ma préférée des 3). Moins fan de « Fur-Lined », du moins à première écoute! Mais vraiment, bonne pioche.

  2. thibaud Thibaud dit :

    Merci pour ton mot!

    J’écoute en boucle « A Drowning » depuis quelques jours! Bien que je déplore la fin de l’aventure NIN, on sent bien sur l’EP la touche Reznor qui a fait la beauté des halo 1-27… A écouter!

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