le 12/04/2012 par lorrain
Allez, vite fait, y a deux difficultés majeures à parler d’un album très connu: bien du monde n’est pas intéressé à lire un n-ième article sur les succès de Beck, et puis il y aurait toutes lesdites opinions critiques à prendre en considération. Ou bien on peut s’en taper et écrire ce qu’on pense…
Pour situer, Beck, c’est un Californien qu’on connaît tous au moins pour « Loser » où il chantait (en 1994) « I’m a loser baby, so why don’t you kill me? » Son album suivant, Odelay, sorti en ’96, est aimé du public et acclamé par la critique musicale, celle-là même qui reproche parfois à Guero d’en être une tardive et moindre imitation. Beck a bien travaillé avec les mêmes beat makers (les Dust Brothers), mais Guero n’en a pas moins un son bien particulier. C’est un album généralement tranquille (sauf si on le compare au précédent, Sea Change); Beck y explore des sons rock, arrange ensemble des instruments ennemis comme l’harmonica et le vocoder, et ajoute des samples tantôt hip-hop, tantôt plus franchement extra-terrestres.
Guero, ça commence par « E-Pro » et c’est un tube! C’est plus rock que la pop de bas étage et plus pop, j’entends plus facile d’écoute, que le rock à tendances survoltées ou dépressives. Si vous aussi vous aimez un morceau à se repasser les matins où l’humeur peine à décoller de la tasse de café, c’est hautement recommandé. Les substances actives, c’est un riff de guitare bien saturé, une batterie carrée comme La Défense mais avec un léger côté penché en arrière et pour un résultat matériellement bien plus proche d’un tank, quand même, mais fleuri de toutes les écoutilles par des choeurs agréablement ridicules, et en train de faire débarquer une grosse bastringue dans le jardin de ton locatif le dimanche matin…
Et ça continue sur une humeur légère. Sur le deuxième morceau, « Qué Onda Guero », qui veut dire à peu près « qu’est-ce qui se passe blondinet », voix scandée façon hip-hop dans les couplets et doucement chantée pour le refrain; un vieux son ringard comme la trompette sur un synthétiseur pour gosse début ’90; le tout sur un beat bien bouncy qui rappelle la même période mais côté impro hip-hop. Les paroles, c’est Beck qui se venge gentiment de ce que des loubards Chicanos ont dû lui dire quand il était ado, en dépeignant la médiocrité de ces gars qui traînent dans les rues avec des guns et des Burger King. Un morceau tranquille et touche-à-tout, assez révélateur de cette capacité à tout mélanger et à obtenir une mixture bizarre si on pense à tout ce qu’on y trouve, mais juste bonne, comme une crème anglaise-parmentière selon certains.
(Girl est une chanson marrante aussi. Beck Hansen excelle en sampling, ce qui devient fâcheusement coûteux dans les années 2000, avec des régulations de plus en plus sévères. Mais l’audience qui a connu Polnareff en tous cas ne peut pas se tromper: malgré une variation rythmique mineure, les premières notes sorties d’un synthé kitsch à s’en aller mourir en Bavière reproduisent bien la rengaine de « On ira tous au paradis ».)
J’ai personnellement beaucoup de plaisir avec les morceaux 5-7. « Black Tambourine », même si elle me déçoit un peu niveau vocal (les syncopes à l’unison avec la basse, c’est original mais lourd), par contre le riff de basse qui sonne comme une contre-bassine est d’une grande efficacité, surtout avec l’abondance de percussions et un son de caisse claire qui claque avec écho; de plus, les solos de gratte sont bien placés et font respirer ce morceau autrement chargé.
J’ai un faible pour « Earthquake Weather » (n° 6), ses guitares et samples légèrement inquiétantes sur le couplet et le synthé franchement hawaïen sur le refrain. Voix parcimonieuse. Et à partir de 2’30 », ambiance solo qui n’ont aucun rapport avec rien. Un des meilleurs morceaux de l’album, avec aussi le suivant, « Hell Yes », un drôle de mélange entre un beat speed quasi-électronique, une note d’harmonica par mesure, sur la première note, auquel répond un bip de radar sur la troisième, un peu de scratch, des voix robotisées qui prosopopisent la MPC dans un dialogue avec Christina Ricci en groupie de la machine. S’ensuivent un chorus d’harmonica complètement à contre-courant et un autre à la basse. Les paroles aussi sont intéressantes
Looking for my place
On assembly lines
Fake prizes
Risin out of the bombholes
Skeleton boys hyped up on purple (…)
Bref, Guero est très varié, et on peut lui trouver des qualités tant dans le sampling que dans l’instrumentation, les paroles, mais peut-être surtout l’ambiance générale un peu insaisissable du fait de ses multiples facettes. C’est un album excellent, après, s’il vaut plutôt trois ou plutôt cinq étoiles, encore une fois, sauf votre respect je m’en tape. Et puis si sa place est moindre dans l’histoire de la musique, le cru de 2005 vaut largement celui de 1996 en ce qui concerne simplement le son.
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