le 14/08/2011 par benoît
La Montagne Magique (Der Zauberberg), est l’un de ces larges romans modernes dont on dit qu’ils ont aidé à définir ce mystérieux XXe siècle parti dans toutes les directions. L’écriture même de l’oeuvre a subi ce XXe siècle: commencée en 1912, ébranlée au plus profond, comme l’Europe le fut, par la 1ère Guerre, terminée et publiée en 1924. Mann situe la narration entièrement avant le début de la Guerre qui dès lors devient ce terrible coup de gong, ineluctable, qui sonnera au dessus des têtes d’une société en bout de course.
Mann, le temps de huit cent pages qu’il annonce lui-même détaillées, transpose et isole cette société à une altitude où la lumière l’éclaire jusqu’au fond d’elle-même, dans un sanatorium sur les hauteurs de Davos. Là-haut, le jeune Hans Castorp rend visite à son cousin Joachim atteint par les tubercules pour un séjour qui, finalement, ne durera pas moins de 7 ans. Des années durant lesquelles Hans confrontera sa personnalité et sa nature ordinaires au quotidien minutieusement réglé des moeurs du sanatorium, à la faiblesse et à la maladie, qu’elles soient celles du corps ou de l’esprit, à l’amour et aussi à tous les sentiments, à nouveau qu’ils soient rapportés au corps ou à l’esprit, qui auront pu impressionner l’homme de l’époque. Ainsi enfermés dans le sanatorium, nous sommes amenés à rencontrer maints personnages : le littérateur Settembrini, éducateur et représentant des Lumières, son terrible adversaire le jésuite Naphta, avocat de la foi et du dualisme moyen-âgeux, les yeux de loup de l’impulsive Clawdia, le sensible Mynheer Peeperkorn et sa grande confusion et puis bien d’autres, tous ces individus représentant en quelque sorte une certaine « force » dans cette bonne vieille culture européenne. Plus simplement, le livre étant complexe mais pas abstrait, davantage « moderne » que philosophique, La Montagne Magique a comme thème celui de la vie et du temps.
J’aime beaucoup l’écriture de Mann: solide, élégante et très articulée, avec un style abondamment psychologique sur lequel je n’ai pas d’autre point de référence que Dostoievski, un style qui aborde tous les thèmes qui passent à la portée de son auteur. Le bouquin rentre plus ou moins dans la catégorie Bildungsroman, en partie parce que c’est l’une des plus larges. C’est un livre long, c’est certain, mais il demeure fascinant, avec de nombreux passages, eh bien, magiques. Le dialogue entre Hans et Clawdia dans la nuit de Carnavale, par exemple, est sans conteste le morceau de texte le plus merveilleux que j’aie pu lire. Il y a je crois un côté personnel, intime, aux grandes oeuvres, celles dans lesquelles les auteurs se sont consacrés le plus complètement, qui les rend attachantes. C’était vrai pour moi en tout cas.
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