le 16/10/2011 par benoît
La folk, littéralement, est la musique du peuple. Elle réveille les concepts anciens de chez-soi et de foyer qui, s’ils sont devenus plus vagues et plus abstraits, peuvent toujours s’avérer aussi forts. Je crois à l’idée que le revival folk qui a touché ces dernières années plus ou moins tout le monde depuis l’indie pop aux groupes les plus expérimentaux, est principalement alimenté par cette vieille idée de la folk, par ce besoin de thématiser son identité à travers ses attaches et ses départs.
Big Blood vient du Maine, patrie automnale et isolée. Big Blood est une famille, celle de Colleen et de Caleb et maintenant de leur petite fille, dont la voix sur Moo-hoo en fin d’année passée achevait de faire de « Dark Country Magic » un des grands disques 2010. Leur musique est la leur, celle de leurs pairs et de leur sol. La musique de Big Blood est ainsi faite de retours, de cycles, d’idées, d’images et d’esquisses qui reviennent dans les mêmes impressions, dans une continuelle variation qui trace et capture les limites d’un cercle.
Big Blood a trouvé un son faramineux: ce « soundscape » bâti à partir d’une texture percussive élaborée, d’un fouillis jammy de clang-clangs noyé dans la production sur lequel se greffent les distorsions (guitare ou autre) et les voix dans une beauté insistante, évocatrice. Le son est grumeleux d’une part, introspectif et personnel, et puis engageant et brillant de l’autre, inspiré et aspiré si l’on veut. J’associe Caleb à la première face, Colleen à la seconde. L’instrumentation est organique, rugueuse, hypnotique, psychédélique, avec des tons balladesques et freaky auxquels correspondent également les voix dans une certaine tradition qui remonte à Comus et à l’Incredible String Band. Le tout dégage une atmosphère braisée, chaleureuse et frénétique, tour à tour apaisante et tranquille ou ardente et festive (lisez celebratory), parfois débonnaire et décalée, toujours profondément bienveillante.
Big Blood est sur ce disque paru en 2008 accompagné par quelques autres musiciens, d’où le nom de Bleeding Hearts, pour un album à l’axe plus traditionnel, davantage orienté sur les chansons (quoique le naturel revienne vite au galop). Baron in the Trees (je dois absolument lire ce bouquin) s’ouvre sur un riff lancinant, tranchant, et sur un rythme trottant que s’apprêtent à suivre les scandées d’un Caleb à l’attaque et qui elles-mêmes préfigurent déjà les harmonies du refrain. « At least I’m theeere ». New Dish Rag fonctionne comme une outro aux sonorités noyées et entêtantes d’un piano entendu depuis le siècle passé et ouvre la porte au ma-gique Graceless Lady, réponse épique de Colleen au concis Baron in the Trees. L’association du tissu percussif, qui se soulève et redescend en une lente ondulation, avec la mélodie aux inflexions passionnées de la ligne vocale, avant que sans une rupture émerge ce refrain éternel, est à une ou deux chansons près la plus frappante incarnation du son de Big Blood, ce qui n’est pas peu dire. Ce refrain reste dans la tête durant des jours. Blood Mumble suit la chaloupe en redonnant la voix à Caleb, pour un numero très… chaloupé, qui met en évidence un côté cabaret, de cirque, que le groupe adopte parfois : tout à fait agréable. Passé une transition à nouveau faite d’échos (Curee), nous arrivons à l’hymne Oh Country (Skin & Bones) qui incarne une certaine perfection mais auquel je préfère je pense le classique The Birds & the Herds. Nouvelle transition, allongée cette fois, et l’album peut se clore avec la lumineuse et fiévreuse chanson sentimentale Night Lighter et une énième outro.
Big Blood a une production dense (Radio Valkyrie sera au minimum le 15e album associé à Big Blood en 5 ans), constamment excellente, dont une bonne partie est disponible librement sur la free music archives (http://freemusicarchive.org/music/Big_Blood/) et parmi tous ceux-ci, Bleeding Hearts pourrait bien être mon préféré.
Download : http://freemusicarchive.org/music/Big_Blood/Big_Blood_amp_The_Bleedin_Hearts_1295/
Étiquettes : 2000-2009, Avant-folk
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