Critique du livre
- The Crow Road (1992)

le 03/01/2012 par lorrain

The Crow Road n’est pas que l’histoire de Prentice McHoan, un jeune étudiant écossais en prise avec son passé; c’est aussi ce passé, l’histoire de sa famille, de ses traditions, une sociologie en arbre – vivante, éparpillée tant du côté des sources que des questions qu’elle soulève, une exploration minutieuse de ce qui passe par le tronc commun des McHoan.

It was the day my grandmother exploded. I sat in the crematorium, listening to my Uncle Hamish quietly snoring in harmony to Bach’s Mass in B Minor, and I reflected that it always seemed to be death that drew me back to Gallanach.

Voilà un incipit accrocheur… Peut-être même trop ostentatoirement vendeur. Mais le ton est donné; le roman est une histoire de famille, de mort et d’humour, un mélange bien British d’incongru quotidien et de problèmes existentiels, ou vice versa.

Le narrateur, c’est d’abord Prentice dans un présent extensif; dès la troisième page, c’est un autre Prentice, le gosse de ses souvenirs, parfois lointains, liés à sa grand-mère; et avec le deuxième chapitre commence une troisième entité narrative, qui s’extrait du texte. Plus de je. Le il principal, celui dont on partage de plus près le point de vue, est Kenneth McHoan, le père de Prentice. Le roman change de personne, de focus, mais le ton demeure. La famille entière se dévoile au fil du texte, par des bribes, des anecdotes qui finissent par former une mosaïque plus vraie que nature, de la même manière que les instances narratives créent une voix  paradoxalement multiple, celle d’une histoire. On entend par exemple la grand-mère raconter ses derniers ébats (“Don’t look so shocked, Prentice”). Plus loin, mais plus tôt, le bouquin remonte jusqu’aux jeunes années du père et de ses deux frères; le père et son futur beauf jouent avec un camarade d’école qui vient d’une famille ouvrière:

‘They red bits are ours, are they?’

‘No, they’re the king’s actually,’ Fergus said. ‘That’s the Empire. […]’

‘Ach,’ Lachy said, ‘Ah ken [=know] that; but ah mean they’re British; they’re ours.’

‘Well, I don’t know about “ours”, but they belong to Britain.’

‘Well,’ Lachy said indignantly. ‘Ah’m British, am ah no?’

‘Hmm. I suppose so,’ Fergus conceded. ‘But I don’t see how you can call it yours; you don’t even own your own house.’

A travers les jeux d’enfants, Banks aborde une thématique sensible au Royaume Uni; les distinctions entre classes restent présentes en arrière-plan et resurgissent plus fortement quelque trente ans plus tard, après que se soient développés les personnalités de la seconde génération, celle des parents de Prentice : Fergus Urvill, enfant méprisant, devient sans détour le beauf upper-class qui roule en Jaguar et en Aston Martin, chasseur, mauvais mari pour la tante de Prentice, mais étonnamment ami de Rory, son oncle voyageur.

Voilà donc Prentice et son histoire au sens le plus large, les influences familiales et culturelles avec lesquelles il interagit au moment présent du livre. Il a peut-être vingt ans, ne parle plus à son père (parce que ce dernier est un athée prosélyte qui veut que ses enfants soient des libre-penseurs, à tel point qu’il refuse les besoins de son fils de voir un sens peut-être transcendant à l’existence).  A la figure paternelle il substitue celle de l’oncle Rory, voyageur et écrivain disparu en laissant de rares traces que Prentice découvre, suit, perd, réinterprète, principalement un dossier sur lequel Rory travaillait encore le jour précédant sa disparition et qui contient l’idée d’un grand livre dont Prentice recolle les morceaux au fil des années. La majeure partie du roman se passe dans l’ombre de Rory et de son projet littéraire éponyme: « The Crow Road ». Entre une chasse au trésor littéraire et la volonté de découvrir ce qu’il est advenu de son oncle, la quête de Prentice teinte ce roman-arbre d’une noirceur policière. D’autre part, la profondeur et l’intelligence des personnages se reflète dans l’esprit des personnages et du ou des narrateurs, dont la voix est de plus en plus dominée par le je d’un Prentice McHoan qui mène à bien son « enquête » identitaire.

The Crow Road, c’est cinq ou six cents pages d’une lecture agréable sans être facile, Iain Banks ayant le bon goût de laisser un espace important à la suggestion ; c’est un livre qui aiderait à comprendre l’Ecosse, sauf qu’il se lit mal bourré, une œuvre pleine de bon-sens, qui équilibre les conflits, le désespoir et la destruction par une bonne dose d’humour souvent noir et sarcastique, de whisky et de francs sourires. Profondément écossais et profondément humain. Voyez plutôt :

If the year of our folly 1990 had started inauspiciously for me, then Fates, Lady Luck, Lord Chance, God, Life, Evolution – whoever or whatever – immediately thereafter set about the business of proving that the entangled disasters distinguishing the year’s first few days were but a mild and modest prelude to the more thorough-going catastrophes planned for the weeks and months ahead… and this with a rapidity and even an apparent relish which was impressive – if also bowel-looseningly terrifying – to behold.

Gav [his hydrocephalus roommate] and my Aunt Janice got on like a house on fire, a combined location and fate I occasionally wished on them as I lay awake listening to the sound of their love-making, a pastime I sometimes suspected I shared with people in a large part of the surrounding community, not to say northern Europe.

I had made the mistake of volunteering to sleep on the couch in the living room on the nights that Janice stayed at our flat; this offer was made with what I thought was obvious sarcasm one evening while Gav and Norris were attempting to develop a technique for cooking poppadoms in the microwave. [… They] instigated what they termed a ‘brain-storming session’ in an attempt to find a suitable support mechanism. (I suppressed the urge to point out that the chances of teo such zephyr-grade minds producing anything remotely resembling a storm was roughly equivalent to the likelihood of somebody called Cohen landing a pork scratching concession in Mecca during Ramadan.)

‘An alligator clip with the chrome bits removed.’

‘Naw; still metal.’

‘Maybe we could shield it.’

‘Na; has to be plastic. Yer non thermosetting stuff, for preference.’

‘Well, look, Gav,’ I said from the kitchen doorway. ‘I only overhang the couch by a foot or so at each end; why don’t I attempt to curl up there when you and Janice are in residence, if not flagrante, in the bedroom?’

‘Eh?’ Gav said, swivelling that thick neck of his to look at me, his massive brows furrowing. He scratched at one rugby-shirt shrouded armpit, then nodded. ‘Aw; aye.’ He looked pleased. ‘Thank’s very much, Prentice; aye, that’d be grand.’ He turned back to the microwave.

Le roman a été adapté en minisérie TV pour la BBC en 1996. http://www.imdb.com/title/tt0115145/

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