le 02/03/2012 par lorrain
Qu’est-ce que ça fait d’être une rock-star à la retraite ? Bon déjà, ça requiert que, contrairement aux Mick Jagger et autre Iggy Pop, on ait la décence d’arrêter de se trémousser sur scène… Et qu’on se mette pas à écrire des chansons de Noël comme Bob Dylan… Heureusement pour lui, Cheyenne (interprété par Sean Penn) a sauvé l’honneur en s’éclipsant à temps. Le public se souvient de lui comme il était à ses heures de gloire. Mais il se trouve qu’il ne conserve de la superstar que l’apparence ; et dans le rock à la Alice Cooper ou Robert Smith, ça veut dire qu’il a encore l’air d’un adolescent rebelle : liner noir, rouge à lèvres et teint blanchi, pompes noires, veste noire, pantalons noirs, et cheveux teints, en noir. Original qui ne s’assume plus tout à fait ou qui n’a pas su vieillir, ce personnage brillamment interprété par Sean Penn semble perdu dans le temps, avec un peu de l’égarement (géographique, celui-ci) de Bill Murray ou Scarlett Johansson dans Lost In Translation.
Suite au suicide d’un fan, Cheyenne est déprimé. Il a toujours l’air sur le point de crever, sa voix plaintive dont le débit rivalise avec celui de ma grand-mère sous valium ne dépasse pas les 20db, enfin c’est plus exactement ce qu’on appelle un homme d’action; sur le marché du rock, il est plus proche de l’occasion. Le fait qu’un film semble lui être dédié donne d’abord envie de lui donner un coup de taser, ou encore de sortir de la salle. Pourtant ce neurasthénique a quelque chose de courageux, d’héroïque, subtilement et presque paradoxalement mis en valeur par des mètres de fond-de-teint, quelque chose d’attachant qui donne envie de connaître la suite.
Quand son père meurt, sa vie est bouleversée. A quel point a-t-il vécu dans des vieilles conceptions qu’il n’a pas questionnées? Renouant un peu tard avec son paternel, Cheyenne décide de se lancer à la poursuite du tortionnaire que le vieil homme recherchait depuis sa sortie d’Auschwitz. Et il conduit son enquête avec une étonnante vivacité d’esprit qui détonne totalement avec sa démarche boiteuse. La seconde partie du film est un enchaînement de rencontres improbables et hilarantes, avec une femme et son gosse dans un bled texan qui se targue de la plus grande pistache du monde – « Et où est la plus petite », demande Cheyenne – avec un Indien qu’il trouve dans son pickup et qui ne parle pas…
« This Must Be the Place » est un film facile et bien fait. Les prises de vue sont soignées. Les dialogues sont décalés et drôles; et surtout, la performance de Sean Penn vaut le détour. Une sorte d’automate en fin de course, Cheyenne est un personnage invraisemblable; on dirait un zombie sorti de chez les frères Cohen, avec le même genre d’humour aiguisé sur fond de désespoir (la femme de Cheyenne est d’ailleurs interprétée par l’excellente Frances McDormand); mais l’interprétation le rend vivant. Et c’est ce personnage qui fait le film. Sensible et acerbe, This Must Be the Place est une agréable surprise.
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Durée : 01:58:00
Étiquettes : 2010-2019, Glasgow Film Festival, Paolo Sorrentino, Sean Penn
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