le 05/06/2012 par olivier
Longtemps, j’ai refusé d’écouter du pop rock contemporain, considérant ce style comme celui du format radio par excellence, 3 minutes et c’est fini, et on recommence avec les mêmes, sauf que c’est pas les mêmes (ah bon!), riffs génériques, voix sensément émouvante, effectivement geignarde et médicamenteuse, espace sonore complètement rempli de symphonies douteuses, chanteurs aux tronches d’éphèbes, affublés de regards vidasses. Evidemment, c’est une certaine image de cette musique qui s’est gravée dans mon esprit parfois un peu similaire à un emporte-pièces de six mètres de rayon, et je tiens aujourd’hui à rectifier mon tir de quelques miles.
Rover est à l’origine de ce mea culpa: son premier album – éponyme – sorti chez Cinq7 il y a quelques mois a tout de la pierre précieuse brute qu’une série d’écoutes pourra tailler progressivement, permettant de découvrir ses nombreuses couches de couleur et de matière, pour atteindre enfin un noyau où se condensent toute la force et l’émotion d’une véritable voix, habitée, habitante, extension à la fois anormale et évidente du grand corps de Rover, qu’on imagine évoluer dans un univers hors temps, entre lourdeur et gracilité. « Aqualast », le premier morceau du disque, est à l’image de ce paradoxe: le chant de Rover y est à la fois lourd comme le mercure et léger comme l’éther, oscillant constamment entre ces deux nuances, c’est-à-dire aussi entre expression sincère d’une humeur neurasthénique, pesante et grave, et irradiation faussement kitsch d’une voix devenue soudain suraiguë, qu’on ne pourrait imaginer venir d’une même anatomie. La cohabitation de ces deux timbres, que Rover maîtrise parfaitement, se retrouve dans chacun des titres de l’album: « Remember », l’un de mes morceaux préférés, possède un somptueux refrain qui agit sur le cerveau façon earworm, chanté comme si c’était d’opéra qu’il s’agissait – vibrato en prime – et qui se transforme un peu à chaque occurrence, modulé par cette voix unique parce que polymorphe. « Tonight » rappelle un peu Muse, justement, tout autant pour son rythme, ses riffs et ses nuées de synthés que pour ses écarts dans le chant, évoquant – en mieux, à mon avis – le timbre de Matthew Bellamy. Et il y en a d’autres, qui transparaissent dans et sont transmués par Rover: Dylan, par exemple, dans « Lou », titre blues et folk s’il en est un (sur « Champagne », on a même un harmonica qui aurait pu être joué par le vieux Bob), mais aussi les Beatles et Bowie, un peu partout. Cet héritage est proprement transcendé par Rover, qui s’approprie ces influences et crée un univers sonore possédant une réelle identité, mais c’est là un pâle euphémisme pour qualifier cet album.
Du pop rock donc, oui, mais du pop rock qui a du coffre, plein de rocaille et de tendresse, avec ce qu’il faut de lyrisme et de grandiloquence pour un résultat délicieusement dandy, et tout à fait romantique, appréciable dans son excès et dans sa retenue combinés. Un truc, un baume, fabriqué à partir d’un mélange d’huile d’amande et de toile d’émeri, un peu âcre – âpre? – et doucereux, qui calme et inspire, qui attriste et qui réjouit, et qu’on peut écouter dans toutes les humeurs possibles, puisque Rover agira là où c’est nécessaire. Et si sa voix est vraiment ce qui rend l’album fabuleux, c’est aussi parce qu’elle est soutenue par des compositions excellentes, tout à la fois reposantes et entraînantes; ce qu’on demande à de la pop, en somme? Cerise sur le gâteau, que dis-je, pied-de-porc sur la flammeküche, tout ça est chanté par un francophone en un anglais absolument parfait.
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À titre personnel je like le music video Aqualast.
Ca, c’est clair.
La vidéo est bonne, la musique est bonne, la flammeküche au pied de porc est bonne… Sur Aqualast, y a quelque chose de génial dans le refrain. En plus de la surprise à son passage à la voix de tête, la mélodie est tellement accrocheuse, avec juste ce qu’il faut de mélancolie… un peu nian-nian à mon goût mais c’est ce qui en fait le charme, et surtout tellement droit dans le mille!