le 28/09/2011 par victor
« Toute ressemblance avec des événements
réels, des personnes mortes ou vivantes
n’est pas le fait du hasard.Elle est VOLONTAIRE »
Je place ce film très haut dans mon estime et je ne sais pas par quel bout le prendre quand vient le moment de rédiger cette critique.
Commençons donc par le pré-générique d’ouverture. Puis parlons d’Histoire et de l’histoire, puis une petite galerie de sympathiques portraits, puis le film. Mais d’abord, une fois n’est pas coutume, un trailer réalisé pour les 40 ans de la sortie de Z :
Le film s’ouvre donc sur un pré-générique présentant la production et citant Jean-Louis Trintignant. Derrière les crédits défilent des images de médailles militaires françaises, allemandes, anglaises, espagnoles, chaque plan présentant une médaille d’un autre pays européen, le tout sur fond de la musique exaltée de Míkis Theodorákis, compositeur grec déporté par la junte militaire dans un camp de concentration pendant que Gavras réalisait son film. Le dernier plan de ce pré-générique est une médaille grecque.
Vous l’aurez compris, ce film a un rapport avec le pays de Costa-Gavras. Ce film raconte, transposée, romancée, une histoire véridique, les conséquences d’un fait divers qui a grandement participé aux troubles politiques qui menèrent la Grèce à un des plus sombres chapitres de son histoire, la dictature militaire : le Régime des Colonels (1967-1974). Ce fait divers, c’est le décès « accidentel » de Gregorios Lambrakis, député de l’opposition grecque, en 1963.
Le film raconte principalement l’instruction, menée par un jeune juge d’instruction (Jean-Louis Trintignant), de l’affaire judiciaire consécutive à l’« accident » survenu à un député d’opposition (Yves Montand). En dire plus serait sacrilège, et raconter l’histoire prendrait 30 pages, je m’arrête là.
Précision intéressante : le film n’est pas situé géographiquement. Aucune mention de lieu, aucun drapeau, rien. Mais les faits sont là et difficile de ne pas penser à la Grèce, même si le film est parlé français.
Z (1969), de Costa-Gavras, avec Jean-Louis Trintignant, Yves Montand, Irene Papas, Pierre Dux, Charles Denner, Jacques Perrin
À ce stade-là, vous pourriez penser que Z est un film politique compliqué, long et ennuyeux. Vous feriez erreur. Z est un thriller d’une force effarante. Un montage très original permet d’enchaîner scènes d’action et scènes plus « politiques », ne laissant aucun répit au spectateur en réussissant l’exploit de rendre un scénario un peu compliqué tout à fait comestible, voire limpide.
Les détours de l’affaire sont dévoilés un par un sans jamais tomber dans le rebondissement gratuit et facile. La narration des témoins est parfois ponctuée de flashbacks remontrant, telles que racontées au juge d’instruction, des séquences du film déjà diffusées — à la manière de Rashomon, sorti 20 ans auparavant — ajoutant énormément à l’intérêt du film dans sa fresque d’une nation corrompue jusqu’à la moelle : lequel des témoins le juge Trintignant va-t-il croire ? Et moi, spectateur de l’accident, ai-je bien vu, et quelle version était la bonne ? Quelle est la vérité, et sera-t-elle compatible avec la vérité judiciaire ? …si le juge en a le courage ?
Les dernières 10 minutes du film sont un long instant de grâce, prenant le spectateur au dépourvu par une mise en scène répétitive (dans ce couloir où retentit un « Dreyfus était coupable ! »), augmentant encore le rythme (notamment grâce à des inserts sur la Selectric du greffier, dont la boule –en caractères grecques– revient systématiquement centrer le Z dans le cadre, et dont le son mécanique et oppressant semble calqué sur la musique martiale couvrant l’entier de la séquence) et s’achevant par un titre de fin indispensable à l’histoire (avis à ceux qui ne regardent pas les génériques de fin : la signification du titre y est notamment explicitée).
La musique et la photographie (signée Raoul Coutard, directeur de photographie, esthète de la Nouvelle Vague) contribuent beaucoup au côté rafraichissant, intéressant et « facile à regarder » malgré un propos plus que lourd.
Film algéro-français, il est entièrement tourné en Algérie, une Algérie encore bien en peine, embourbée dans la confusion politique post-guerre d’Algérie, post-déclaration d’indépendance.
Pour résumer : un thriller au suspens intenable, au rythme ébouriffant, terrorisant par sa « réalité » historique, souple et agile comme un tigre. Un film politique majeur qui dans son fond et sa forme ne parle pas plus de cet incident grecque de 1963 que de tout scandale politico-militaire au monde. Un film porté par des acteurs exceptionnels, Montand et Trintignant en tête, dans des rôles essentiels à la psychologie admirablement retranscrite.
Et pour terminer sur un jeu de mot spécialement geek (salut Ivan !) : si Z avait été un film X (après tout il sort en 69, année érotique), on aurait pu dire que Z est fesses. Costa-Gavras aurait eu 3 ans d’avance sur Solaris !
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Durée : 02:07:00
Étiquettes : 1960-1969, Costa-Gavras, Jean-Louis Trintignant, Raoul Coutard, Yves Montand
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Ouep il a une construction intéressante celui-là, assez perturbante, je me souviens avoir eu du mal à évaluer ce que je pensais du film.
Surprenant!
La musique est top et le scénario donne envie de se jeter sur le livre de Vassilis Vassilikos.
J’ai vu que l’affaire Gregoris Lambrakis avait déjà inspiré un court métrage (« Cent Heures en mai » de Dimos Theos et Fotos Lambrinos, en 1963). Mais pas trouvé…
Le film est produit par l’Algérie. Des cinéastes algériens se sont illustrés à l’image de Ahmed Rachedi qui a eu l’oscar souvenons-en et c’est grâce à lui que le film a trouvé le financement auprès du président Houari Boumédiène. Le paradoxe c’est que le président était un colonel arrivé au pouvoir suite à un coup d’état. Le film Z justement était destiné contre les colonels grecs, qui ont pris le pouvoir par la force en Grèce. Un coup de poker pour Jacques Perrin qui a vu juste en pensant à l’Algérie pour la concrétisation du projet. Ont joué dans le film Hassan Hassani et Sid Ahmed Agoumi pour ne citer que ces 2 illustres acteurs. L’oscar est toujours chez Ahmed Rachedi. Quelques années plus tard l’Algérie avec Lakhdar-Hamina obtint la palme d’or avec le film Chronique des années de braises. L’Algérie, mecque des révolutionnaire, aurait pu devenir la mecque des cinéastes engagés. Youssef Chahine trouvait les ressources nécessaires pour réaliser ces films ainsi que bien d’autres du bassin méditerranéen et du monde entier.