le 30/08/2011 par olivier
De Steven Shainberg, avec James Spader, Maggie Gyllenhaal, Lesley Ann Warren, etc.
« In one way or another I’ve always suffered. I didn’t know why exactly. But I do know that I’m not so scared of suffering now. I feel more than I’ve ever felt and I’ve found someone to feel with. To play with. To love in a way that feels right for me. I hope he knows that I can see that he suffers too. And that I want to love him. »
Lee Holloway (Maggie Gyllenhaal), jeune femme de trente ans, brigue un poste de secrétaire chez E. Edward Grey (James Spader, que vous avez peut-être vu dans l’étonnant Crash de Cronenberg), un avocat très réputé. Sauf que ma foi, la pauvre est assez mal partie pour se faire engager: elle n’a jamais travaillé de sa vie, sort tout juste d’un long séjour en hôpital psychiatrique et, pour couronner le tout, cède le jour de son retour en famille (et quelle famille!) à son penchant pour l’auto-mutilation. La situation n’est donc pas exactement idéale, mais Lee réussit tout de même à se faire embaucher. Les débuts sont pénibles, puisqu’elle passe le plus clair de son temps à taper à la machine, répondre au téléphone et faire le café de son patron, souvent cloîtré dans son bureau. Mais un jour, Grey convoque Lee dans son bureau, et la fesse à plusieurs reprises parce qu’elle lui a remis un document aux nombreuses fautes d’orthographe. Dès lors, pour retrouver cet état de soumission étrangement agréable, la jeune femme commettra de plus en plus d’erreurs, et volontairement…
Secretary sort en salles peu après une bifurcation importante du cinéma américain, en ce qui concerne la sexualité à l’écran. Alors que les années 90 avaient donné naissance à une quantité de thriller érotiques glamour (on pense à Basic Instinct, Colors of Night ou encore Bound) où le sexe était célébré dans son expression la plus physique, les années 2000 sont marquées par un retour à un certain puritanisme dans le cinéma « grand public », qui n’approche ce thème que très rarement, et souvent par le biais de la dégradation comique (voir Austin Powers, qui m’a fait beaucoup rire d’ailleurs, mais aussi d’autres choses moins glorieuses, comme American Pie et tous ces teens movies affligeants qui ont suivi). En parallèle à cette production s’est donc développé un cinéma plus ou moins indépendant dans lequel la sexualité devient un événement en soi, et même un sujet à la ritualisation (Mullholand Drive, Requiem for a Dream, Shortbus).
Le film de Steven Shainberg appartient bien sûr à cette seconde catégorie, mais il serait réducteur de s’arrêter là. L’histoire étrange de ces deux personnages un peu fous qui tombent amoureux, mais ne peuvent assouvir leur désir que dans un rapport permanent de dominant-dominé n’a étonnamment rien du film « choc », et pour cause. Au moment où certains auraient continué à accumuler des scènes de sado-masochisme de plus en plus outrancières et provocatrices, Shainberg s’est arrêté, déjouant ainsi toute forme de prédiction, pour développer au-delà de la perversion l’histoire d’un amour pur, presque dépourvu d’explications, un amour un peu dégénéré, sourdant dans les silences plus que dans les paroles, un amour absolu justifiant des sacrifices inattendus, parce que rien n’est facile lorsqu’on n’est pas tout à fait comme les autres. Là où l’on aurait pu s’attendre à un déferlement de pulsions sales d’un côté comme de l’autre, c’est l’inverse qui se produit. La pulsion devient passion tendre, mais ne s’en départit pas pour autant, et c’est dans l’assomption de cette romance surprenante, inexplicable et sensuelle que Shainberg a, selon moi, un grand mérite, tout aussi bien que les deux acteurs du film (Spader et Gyllenhaal), qui font exactement ce qu’il faut pour ne pas sombrer dans le sur-jeu, et qui réussissent à évoquer subtilement un désordre intérieur tout sauf évident.
L’un de mes coups de coeur de l’année.
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Durée : 01:44:00
Étiquettes : 2000-2009, Steven Shainberg
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J’en pense que ça c’est une belle chronique.
Superbe ce film, merci pour la découverte !
Les deux acteurs sont vraiment excellents et le tout est bien ficelé. Bonne critique également !
Je me demande bien combien de prises il a fallu pour ce plan-séquence d’ouverture… Ça n’a certainement pas été facile !
Cool que ça t’ait aussi plu! Je voulais d’ailleurs parler du plan-séquence dans mon post, mais je me suis retenu….Parce qu’il est tellement cool à découvrir!