le 14/09/2011 par olivier
De Raymond Depardon.
«Ce qu’il faut, c’est montrer. Être un passeur.» ~Raymond Depardon
Raymond Depardon, photographe de renom (il fait partie de Magnum Photos depuis 1979) a eu l’autorisation exceptionnelle de filmer des audiences de la 10e Chambre Correctionnelle de Paris, entre mai et juillet 2003. Filmés en plans fixes très rapprochés, une douzaine de cas plus ou moins graves sont présentés au spectateur, sans commentaires. Seuls sont modifiés les noms des prévenus, dont la véritable identité est évidemment protégée.
10e chambre, instants d’audience montre ni plus ni moins que ce que nous voyons à l’écran: le système judiciaire français, dans son fonctionnement le plus banal, appliqué à des cas banals. Pas de gros meurtriers, ni de violeurs ou de braqueurs de banque, mais surtout des gens un peu paumés, en proie à des problèmes d’alcool, de drogue, ou simplement perdus dans une société qui leur échappe, parfois aussi des imbéciles, qui aggravent leur cas ou se battent bêtement contre des moulins à vent. La petite justice, en somme. Toujours évidemment, la présence hiératique du Jugement, qui vient d’en-haut (la chaire de la présidente Michèle Bernard-Requin) pour tomber en-bas, là où se situent ceux qui ont dépassé les bornes. Et ce Jugement, justement, constitue bien sûr le point axial, inamovible, du récit (je dis récit, car malgré l’absence de commentaires, Depardon raconte quelque chose qu’il a vécu, via le choix de ses plans, et du montage, et crée incidemment un suspense) autour duquel s’articule un certain discours qui lui est assujetti. Au tribunal en effet, on parle pour attaquer, on parle pour se défendre, on parle pour modérer, mais toujours dans l’attente d’une sentence. L’évidence d’une délibération crée donc un cadre fixe à l’intérieur duquel se développe une interaction particulière, dont Depardon a cependant réussi à mettre en évidence le caractère profondément humain, et donc souvent contradictoire: on voit en effet dans ce portrait une Justice alternativement forte et limitée, glaciale et émue, rageuse et patiente, punitive et pleine de mansuétude, en face de prévenus qui sont l’espace d’un instant, à cause de leur délit, entre deux mondes, plus tout à fait dans la société des gens « normaux », et pas encore « de l’autre côté », et sur les visages desquels naissent des émotions complexes, impossibles à qualifier précisément, mais qui semblent souvent se constituer d’un mélange de regrets, de peur, et de tristesse. Jamais cependant, Depardon n’oblige le spectateur à choisir un camp, son regard est un regard à hauteur d’homme, sûrement pas neutre, mais toujours profondément humble et discret, et jamais moralisante.
Cette humilité, on la sent venir de loin, d’une longue expérience de reporter, bien sûr, qui a photographié l’homme – politique, militaire, artiste – , et aussi plus tard son absence (voir le reportage La France de Raymond Depardon). Même si je ne connais que très peu son oeuvre, ce que j’en ai vu (une partie du reportage précité) m’a tout de même permis de supposer une chose: Depardon semble se passionner aujourd’hui pour les mondes qui ne font pas de bruit, pour cette autre France notamment, celle qu’on ne connaît pas, celle qu’on ne visite pas, pour les espaces un peu oubliés qui font cependant le quotidien de son pays, comme c’est le cas pour cette 10e Chambre dont il a filmé la vie pendant quelques mois. Et alors, tout cela dans quel but? Eh bien, je crois que c’était pour montrer, simplement pour montrer.
En guise de bande-annonce, voici un petit extrait. Vous pouvez retrouver l’intégralité du documentaire sur youtube.
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Durée : 01:45:00
Étiquettes : 2000-2009, Raymond Depardon
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Gros soutien pour cet incontournable documentaire !
Pour ceux qui ont le DVD entre les mains, ça vaut la peine de regarder le débat dans les bonus. La juge y participe et on a un peu moins envie de la gifler, après.