Critique de l'album
- Meat + Bone (2012)

le 19/10/2012 par olivier

C’est par le plus grand des hasards ou presque, au détour de menues recherches sur le groupe suisse Mama Rosin instiguées par une discussion avec l’un des membres du peupl, que je suis tombé sur Meat + Bone, dernier album de The Jon Spencer Blues Explosion. En 2011 en effet, le trio genevois s’est vu offrir l’opportunité d’enregistrer sa dernière production, Bye Bye Bayou, dans le studio de Jon Spencer à New York à la suite d’une tournée européenne durant laquelle les deux groupes se sont côtoyés, et visiblement très bien entendus.The Jon Spencer Blues Explosion (JSBX désormais, pour plus d’hygiène), a 20 piges de riffs saignants dans les pognes. Fondé dans les années 90 après que Jon Spencer eut quitté Pussy Galore, formation noise rock aux morceaux à la philosophie évocatrice (« Eric Clapton Must Die »), le groupe a multiplié les collaborations (Unkle, Beck, Beastie Boys, Public Enemy, Martina Topley-Bird et le producteur Steve Albini, héraut du rock indépendant US), et s’est bâti ainsi une discographie éclectique, traversée d’influences diverses, surtout blues, rock et punk, mais aussi hip hop et dub.

Meat + Bone arrive huit ans après Damage, un JSBX cette fois totalement lesté de featuring, revenu à un trio primitif que semblait presser une sale envie de maltraiter du microphone doublé d’un impérieux besoin de se frotter en vrais hommes aux nombreuses productions estampillées « blues rock old school » qui ont allègrement parsemé l’univers musical des années 2000. Sauf que les gaillards menés par Jon Spencer partent avec un avantage indéniable à mon sens: ils font tout sauf de l’imitation. Pas de méta-Jimi Hendricks, ni de néo-White Stripes (oui, je crois qu’on peut dire maintenant qu’ils font partie de ceux qu’on singe) en effet, mais bien un son qui n’a de prétention qu’à être lui-même, d’origine diffuse, dont les influences semblent avoir été parfaitement digérées avec le temps et dont l’énergie brute – vraiment brute – dépasse largement, à mon sens, celle parfois un peu simulée des Black Keys et autres Hanni el Khatib.

« Black Mold » lance en effet les hostilités en dictant immédiatement le ton: ça riffe et ça cymbale à tout va, avec un Jon Spencer exalté évoquant la présence d’une moisissure noire tenace… mais n’est-ce pas là aussi la promesse d’une explosion? Il paraît que certains champignons particulièrement virulents peuvent faire littéralement péter leur hôte et j’ai bien l’impression que JSBX s’en est servi pour se faire un frichti. « Boot Cut », après un intermède un peu plus blues avec « Bag of Bones » (je le dis, au risque de me faire dérouiller), commence sur un rock plutôt pépère, mais va finir en véritable déflagration punk, au rythme d’une batterie en mode poum tchak et de riffs sauvages qui vont achever de tailler le gras de son auditeur jusqu’à l’os. Je saute jusqu’à « Danger », très Sex Pistols mais teinté de rock’n roll, où tout est bon: les quatre notes du thème, le dédoublement de guitares, la voix et la confiture aux airelles. Jusqu’au bout de l’album (qui se termine avec un merveilleux morceau instru, « Zimgar », pour clore le truc et montrer que les musicos sont pas les pires manches), tout colle, et on a envie d’y revenir afin de retrouver cette passion pour un son tout à la fois fruste et habile, afin de se délecter encore de caisses claires qui claquent, de guitares qui sonnent et de soli stra-to-sphé-riques (à dire avec l’accent valaisan). Tout ça, on a envie de le faire malgré la sommation polie de Spencer dans « Bottle Baby »: « Get the fuck off the stage »? Non, pas envie.

 

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