Critique de l'album
- Endonesia (1997)

le 20/10/2012 par benoît

DJ Screw a construit une légende pour lui-même, intime et inconnue, à travers une double centaine de mixtapes qui sonnent sans doute beaucoup comme Endonesia, toutes dédiées à l’art du Chopped and screwed dont monsieur Screw est l’apôtre et auquel il a donné le nom. Découper et déformer le rap en le passant au ralenti, en modifiant la tonalité vers le bas, en scratchant ce qui reste, jusqu’à obtenir une longue effluve apathique et psychédélique flottant dans une atmosphère irradiée d’opium, complètement explosée où chaque son se détache et fait son show, il fallait avoir l’idée. À Houston, Screw a fait ça pendant 10 ans, passant à peu près tous les morceaux possibles dans sa moulinette, avant de laisser définitivement sa peau dans la codéine à l’aube du millénium. Sur Endonesia (la tape numéro 70), on retrouve des ruines de morceaux de 2Pac, Eightball & MJG et UGK et d’un peu tous les coins des Etats-Unis.

La musique de Screw a une magie inattendue, quelque chose de charmant, qui relève du trip personnel, et puis quelque chose d’infiniment doux et suave, qui rappelle beaucoup la confiture ou le nutella ou la grenadine, enfin, quelque chose de délicieux et d’intense. Si le hip-hop a toujours aimé parler de bouffe (MF Doom si tu m’entends, Dilla merci pour les doughnuts), et puis le psychédélique de son côté (Floyd) ici c’est la musique elle-même qui s’apparente à un déjeuner, à une brioche cosmique, à une éternelle digestion. Si on se laisse entraîner, on plane dans les nuées pour des minutes inlassables, stupides, agréables. La musique étant elle-même droguée, c’est facile de s’y lover sans heurt, pour peu qu’on fasse le pas de rentrer dans ce monde distordu de bisounours fatigués, à faire des perspectives sur l’infini depuis son canapé. Screw aimait ce qu’il faisait, et il le faisait bien. Sa voix semble venir en écho d’un monde gonflé à l’helium, attardé, obscur, et qui tout d’un coup se lève et chantonne. C’est choisi, ça colle, j’imagine en tout cas. C’est difficile de s’imaginer ce que d’autres pourraient penser de 13 titre hip-hop au tiers de la vitesse, manipulés et remanipulés, dans lequel un gamin aurait soufflé du savon. C’est à part. Ce qui reste sûr, c’est qu’il est fascinant de voir une musique existante passée à travers les yeux de quelqu’un qui savait exactement ce qu’il voulait entendre. Si vous voulez léviter, passer des tunnels, vous noyer, vous corrompre, s’il très tard, passez votre esprit dans Endonesia.

Allez, je vous mets 2Pac

 

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